Pour célébrer les 10 ans de son album Wishes, il a donné une série de dates acoustiques à Paris, Berlin et Londres. Cet album, à la fois honnête et sensible, lui a permis de rencontrer et de se connecter profondément avec son public. Lors de son concert à Paris, au Pop Up du Label, Jade, de l’équipe de The Concert Chronicles, a eu l’occasion de le rencontrer et de discuter avec lui de cet album marquant.
Tes chansons semblent toujours profondément émotionnelles et honnêtes. Quand tu écris, pars-tu d’un sentiment personnel ou plutôt d’un son, d’une image, d’un mot ?
Ça a beaucoup évolué au fil des années. Ce que je veux dire par là, c’est que la façon dont j’écris des chansons et les différentes manières d’aborder ce point de départ de l’écriture ont vraiment évolués. Mais quand j’écrivais Wishes, jouer de la guitare était vraiment mon exutoire émotionnel, je montais la reverb et me laissais immerger dans le son.
Souvent, ce que cela engendrait était très évocateur. Et lorsque quelque chose me venait à l’esprit, je me mettais à fredonner des mélodies, et ce que mes ressenties se manifestaient naturellement. Au fil des années, j’ai développé plusieurs façons d’écrire.
Maintenant, j’adore écrire les paroles. Le fait d’avoir toutes les paroles d’une chanson écrite, puis travailler les accords et la mélodie, c’est amusant. Mais c’est devenu plus un exercice. Parfois, j’ai un titre et je me dis : « C’est un super titre, ça me fait penser à quelque chose — je vais vraiment creuser ça. »
Mais normalement, ça vient en jouant, en allant simplement au studio ou en m’asseyant à mon bureau avec un instrument.
Écris-tu tous les jours ?
Oui. Même quand tu ne penses pas écrire tous les jours, tu le fais. Quand tu es créatif et que ton seul moyen d’expression est l’art, tu cherches constamment des façons de t’exprimer. Même en vacances ou en faisant quelque chose de complètement non musical, je suis toujours en recherche de nouvelles choses. Donc, oui je peux dire que j’écris tous les jours. Et la plupart du temps, je suis toujours accompagné de mon instrument.
Est-ce difficile pour toi d’écrire ?
Parfois c’est difficile, et parfois ça paraît facile, mais c’est très rare. Les chansons qui semblent les plus faciles à écrire sont souvent mes préférées. Parce qu’elles devaient simplement voit le jour. Maintenant, j’écris aussi beaucoup avec d’autres personnes, pour leurs projets, et je fais beaucoup de collaborations.
C’est peut-être bizarre à dire , mais je ne pense pas avoir tellement évolué en tant qu’artiste. Je crois être resté la même personne. En termes d’évolution, je suis juste devenu beaucoup plus tolérant envers moi-même et beaucoup plus collaboratif.
Quand j’ai fait Wishes, il n’y avait que moi et mon ami James, qui est ici ce soir, il enregistre les shows de la tournée. C’était uniquement nous deux dans le studio. Je crois que j’avais trop peur de laisser entrer d’autres personnes. J’avais trop peur de m’ouvrir à quelqu’un d’autre. Je voulais faire la musique et que les gens l’entendent ensuite. Il y avait quelque chose en moi qui me disait: « Je dois faire ça et je dois le faire seul. »
Je suis devenu beaucoup plus ouvert à la collaboration et j’ai commencé à m’épanouir dans cet espace. Je suppose que ce sont les deux principales choses qui ont évolué depuis Wishes.
Qu’est-ce qui te garde inspiré, surtout dans les moments de doute ?
Je souffre énormément du syndrome de l’imposteur. Même si tu es en thérapie, que tu fais tout ce qu’il faut, que tu ouvres tes messages Instagram et que tu découvres que les gens te disent à quel point tu es formidable, même si tes amis ont beau te le répéter, c’est toujours là.
L’autre jour, quelqu’un me disait qu’une chanson que j’avais écrite était géniale. J’ai pensé : « Peut-être qu’il voulait envoyer ce message à quelqu’un d’autre, par rapport à une autre chanson. J’ai pensé peut-être qu’il ne l’a pas envoyé pour moi. Peut-être que je ne devrais pas répondre pour ne pas pas le mettre mal à l’aise » Puis j’ai réalisé : le message m’est adressé. C’est fou ! Je suis toujours inspiré pour écrire, le doute de soi est la seule chose qui se met vraiment en travers de mon chemin.
J’ai tendance à ressentir les choses très profondément. Mes parents vivent séparément, mais toujours dans la région où j’ai grandi. Chaque fois que j’y retourne, pas loin d’où je vis, je fais toujours un tour là où j’ai grandi — le parc où je jouais, les endroits où des souvenirs se sont créés. L’autre jour, je me suis arrêté devant un magasin et je me suis assis, pensant aux enfants de 12-13 ans qui s’asseyaient sur ce banc. Reconnecter avec ses émotions est une grande partie du travail d’artiste. Quand on est jeune, on écrit plus sur le présent — les ruptures, les chagrins, les événements du moment.
Aujourd’hui, en écrivant mon quatrième album, c’est beaucoup plus sur des souvenirs et les émotions que j’ai vécues. L’un des plus grands défis est de revenir sur ces émotions, car ça peut être douloureux — revisiter constamment la douleur. Une grande partie de ce que j’écris vient de l’anxiété, du doute de soi, et tout cela découle du traumatisme et de la douleur.
Si tu revisites constamment ça, ça fait remonter des choses. Mais j’ai presque le sentiment que c’est mon devoir d’exprimer ces sentiments, parce que cela peut toucher quelqu’un de jeune.
Peu importe l’âge, n’importe qui peut se connecter — c’est fou. C’est le pouvoir de la musique. C’est toujours ce que j’ai attendu de la musique : connexion, échappatoire et compréhension. Je ne peux pas imaginer ne pas faire ça. Je me sens très chanceux de pouvoir canaliser tout ça, même si c’est difficile.
Et pour l’avenir, quel projet ou collaboration de rêve aimerais-tu réaliser ?
Comme je fais beaucoup de musique électronique et dance en ce moment et que j’aime vraiment ça, je vais passer un peu de temps à Los Angeles au début de l’année prochaine. J’y resterai un moment et j’aimerais pouvoir aller en studio avec certains gros DJs — Calvin Harris ou quelqu’un dans ce style.
Pour l’instant, c’est très axé dance. Mais les paroles sont très profondes et très tristes, et ça fonctionne très bien. C’est ce que je recherche. Si je vais faire ces collaborations, je veux y apporter quelque chose de significatif.
J’ai fait tellement de sessions pour apprendre, où je sentais que je devais faire ce que je pensais qu’ils voulaient. Mais je suis allé au Maroc avec un gros DJ en mai, et nous avons passé une semaine à écrire pour lui. Son manager et le DJ m’ont dit : « N’oublie pas que tu es là parce que nous te voulons. Tu n’es pas là juste pour chanter — on te dit de chanter ce que tu écrirais toi-même. »
Ça m’a frappé profondément. Jusqu’à maintenant, je pensais : « Ah oui, c’est vraiment pour ça que je suis là, pas juste pour chanter. » C’est donc la mission. Je veux continuer à collaborer avec des artistes plus connus, mais apporter ma propre sensibilité et ne pas avoir peur d’être profond et significatif dans cet espace.
Écrire et performer peut être très personnel — y a-t-il une chanson qui te semble “trop honnête” et comment décides-tu ce que tu partages ?
Il y a une chanson sur mon dernier album, The Drive. C’était l’une de celles où j’ai écrit tous les mots. Cet album entier parle de mon propre traumatisme, mais aussi du traumatisme générationnel et de la manière dont il se transmet.
Je voulais écrire un album qui soit plus un album concept. The Drive est une chanson que je trouve très difficile à chanter. Pendant l’écriture, je me demandais si je devais la mettre sur l’album. Elle parle de la famille, des non-dits, et de l’impact que ça a sur moi. Il y a la peur de blesser quelqu’un. Mais personnellement, je ne pense pas qu’il y ait quelque chose que j’ai peur de dire. Je suis un grand défenseur de l’expression des émotions et de ne pas les garder pour soi.
Parlons un peu de Wishes. Quelle est ta chanson préférée sur l’album ?
Je suis super heureux parce que Wishes va sortir dans une nouvelle version. La seule raison pour laquelle nous ne l’avons pas fait cette année, ce sont les contraintes contractuelles.
Il y a une chanson — Turning Back Around — que j’ai écrite. À l’origine, elle s’appelait Drowning. Il manquait quelques parties, et c’était une des chansons sur lesquelles j’ai collaboré.
Tu te souviens du groupe Noah and the Whale ? J’étais un grand fan. Ils ont sorti un album, First Days of Spring, et c’était magnifique. Il se trouve que quelqu’un que je connaissais, connaissait Charlie, on s’est rencontrés, et on a fini par vivre dans le même quartier.
Ma version originale n’était pas entièrement écrite avec lui ; nous avons juste ajouté quelques parties pour que ce soit un peu plus — je ne sais pas — ce que mon label pensait qu’il fallait à l’époque. Mais j’adore cette chanson.
Elle parle d’un moment de transition — où tu te dis : « Ok, super, j’ai une opportunité, mais je sais que je vais devoir faire des sacrifices. » Tourner le dos à la négativité et à la toxicité, foncer, suivre son cœur. Savoir que certaines personnes vont être contrariées, mais se choisir soi-même plutôt que les autres — c’est ce dont parle la chanson.
J’adore cette chanson. Il y en a d’autres que j’aime beaucoup aussi. C’est très agréable de les réapprendre et de me dire : « Oh, j’aurais définitivement changé ce passage. » À l’époque, je ne faisais pas autant attention aux paroles autant qu’aujourd’hui.
Parfois, je me demande si je ne me filtre pas trop maintenant. Quand j’écris Stream of Conscious et que je mets le stylo sur le papier, je me retrouve à m’auto-censurer. Changer la première personne, ajuster le passé et le présent, penser que je devrais modifier ceci — peut-être que ça dilue le message. J’essaie de désapprendre tout ce que l’industrie m’a appris et revenir à ce ressenti brut.
Ma mission a toujours été d’écrire quelque chose d’intemporel. Dix ans après, les gens découvrent encore l’album — c’est ça la beauté du streaming.
Je suis très reconnaissant pour ça, et heureux d’avoir suivi ce que je voulais. Pendant les sessions studio, le label suggérait des choses — ajouter des percussions, des éléments hip-hop, d’autres expérimentations. Même si ça aurait pu être amusant, je sentais que ça daterait les chansons d’une manière que je ne voulais pas. Je voulais qu’elles restent intemporelles.
Y a-t-il un moment particulier en studio qui t’a marqué — peut-être un heureux accident qui a rendu une chanson spéciale ?
À la toute fin du processus d’enregistrement, j’ai écrit trois idées. Nous étions en mixage, donc je jouais souvent dans la salle avec des instruments pendant que James terminait les mixes. J’ai écrit You and I et Losing It. Losing It est l’une de mes chansons préférées de l’album, parce qu’elle partage la même pensée que Turning Back Around.
Beaucoup de gens remettaient en question ce que je faisais. J’étais dans un groupe que j’ai dû quitter, et les gens m’en voulaient. Ils disaient que j’étais dingue d’avoir quitté le groupe, que je devrais être resté.
J’ai commencé à me perdre. Ce n’était pas pendant les moments où j’allais bien dans la musique, c’était avant. Cette période de transition c’était un peu comme se dire : « Ok, j’écris ces chansons, ça pourrait marcher. Je me sens vraiment bien avec ça. »
J’avais un groupe d’amis dans un cercle toxique. À Camden à Londres. Nuits tardives, beaucoup d’alcool, fêtes, sorties. Même si j’aimais ça, ça a duré trop longtemps. Beaucoup d’amis tombaient dans la dépression, dans un cercle vicieux. Je regardais ça et je me disais : « Je ne veux pas ça pour moi. » J’ai voulu m’en échapper.
Pour finir, je vais te propose de poser des questions plus légères pour décrire ton univers d’artiste :
Si ta musique était une saveur de glace, laquelle serait-elle ?
Je dirais vanille, mais la vanille peut être associée à l’idée d’être “ennuyeuse”. C’est une mauvaise blague. Alors, disons chocolat belge. Chocolat Noir.
Si quelqu’un te demandait quelle couleur définit ta musique, que répondrais-tu ?
La couleur que j’associe toujours à ma musique est un bleu profond — vraiment bleu nuit. Comme le ciel de la nuit.
Quelle est la chanson la plus inattendue dans ta playlist personnelle en ce moment ?
En ce moment, j’ai surtout des chansons pour bébé, car j’ai un enfant d’un an. Mais je dirais Earth on Fire, parce que mon autre fils, qui a huit ans, l’écoute beaucoup ces derniers temps.
Les gens ne s’attendent pas à ce qu’il écoute ce genre de musique. Ni moi d’ailleurs. Il est vraiment fan de Stevie Wonder dernièrement, ce qui est un peu fou pour moi. Mais il sait déjà exactement ce qu’il aime. Parfois, je le regarde et je me dis : « Qui es-tu ? » C’est trop stylé.
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