Rock en Seine 2025 : cinq jours d’énergie et de partage

La vie commence enfin à se calmer au Domaine de Saint-Cloud après cinq jours de pure énergie musicale alors que le festival Rock en Seine touche à sa fin. Cette année n’a pas été sans défis : A$AP Rocky a annulé en juillet, Doechii s’est désistée quelques jours avant le festival, et la région a retiré ses 500 000 € de financement à cause d’une polémique autour du groupe Kneecap soutenant la Palestine. Malgré ces obstacles, 150 000 festivaliers ont participé à la 21? édition de l’un des festivals les plus emblématiques de France. De Chappell Roan, Empire Of The Sun et Kid Cudi à Fontaines D.C., plus de 90 concerts ont eu lieu sur cinq scènes, accompagnés d’un large panel d’activités et de conférences pour divertir le public tout au long de la semaine.

Depuis deux décennies, Rock en Seine est l’un des plus grands festivals d’Europe, offrant cinq jours de magie pure, mêlant grandes têtes d’affiche internationales et artistes locaux, avec une forte vision sociale et environnementale. Le festival s’engage dans des actions à court et long terme pour réduire son empreinte écologique. L’inclusivité est également au cœur de l’expérience, avec des plateformes dédiées, des gilets vibrants, des services de description audio, des traductions en LSF et des installations accessibles aux personnes en situation de handicap. Rock en Seine aborde aussi des enjeux sociaux urgents à travers des programmes de prévention sur les addictions, les violences sexistes et sexuelles, avec des campagnes de sensibilisation, du personnel formé et des espaces d’accompagnement, tout en promouvant l’égalité des genres dans ses programmations musicales et culturelles. La restauration reflète ces valeurs : la moitié des options est végétarienne ou vegan, les fournisseurs locaux sont privilégiés et la viande rouge a été retirée pour réduire l’impact environnemental. Enfin, le festival continue de soutenir la nouvelle génération d’artistes français et parisiens grâce au Club Avant Seine, qui propose formations, opportunités de concerts et promotion adaptée pour les talents émergents.

Le festival a également mis en place l’espace Mini Rock, spécialement dédié aux enfants, avec de nombreuses activités comme la découverte du mix, les bruitages de cinéma, des instruments à essayer, du dessin, des jeux, du maquillage, et même un mini bar pensé pour eux. Une initiative qui a apporté une touche ludique et familiale à Rock en Seine.

Si ce panorama donne une idée de l’ampleur du festival, je vais ici me concentrer sur les concerts que j’ai personnellement vécus — même si bien sûr, bien d’autres événements ont eu lieu pendant ces cinq jours.

Le festival a démarré le mercredi 20 août avec une programmation incroyable mettant en avant des artistes féminines et queer. Avec seulement deux scènes ouvertes — la Main Stage et la scène Horizons — la journée devait être une mise en jambe tranquille… sauf qu’elle ne l’a pas été. Avec Chappell Roan en tête d’affiche, le ton était donné dès le départ. Même sous la pluie, les fans sont arrivés tôt pour sécuriser leur place au premier rang de la Main Stage.

La star britannique Luvcat a ouvert cette édition sur la Main Stage à 17 h, donnant le ton avec sa pop rêveuse aux textures électroniques et ses paroles sincères. Suivies par Suki Waterhouse et London Grammar, les festivaliers ont été embarqués dans un voyage musical atmosphérique et intense, parfait pour préparer la soirée à venir.

Sur la scène Horizons, la phénoménale Sofia Isella a complètement hypnotisé son public. Toute sa discographie et sa direction artistique incarnent le mantra « l’art doit déranger les confortables et réconforter les dérangés ». Avec des paroles incisives abordant la misogynie et bien d’autres sujets, assister à un set de Sofia Isella laisse inévitablement profondément marqué.

L’artiste française queer Théa a enchaîné sur la même scène, et je n’en n’attendais pas moins. L’ayant déjà vue à La Maroquinerie l’année dernière et à La Cigale plus tôt cette année, j’étais préparé à son énergie débordante et sa connection avec son public. Proposant des hyper-pop rock musiques, elle aborde également des thèmes importants comme « Free Palestine », mêlant musique et message avec fluidité.

Pour clôturer cette journée déjà incroyable, c’était le moment pour Chappell de briller. Heureusement, la pluie avait cessé avant son set. Le public français était plus que prêt après son annulation en septembre dernier, et Rock en Seine était sa seule date française cette année. Quand les lumières se sont éteintes et que les premières notes de son intro ont résonné, la foule est devenue folle et l’énergie était électrique. Dès l’intro et avec ce décor de château, j’ai eu l’impression de plonger dans un film de princesse un peu maléfique. Lorsque son groupe a joué les premières notes de « Super Graphic Ultra Modern Girl » dans le parc, le public a retenu son souffle… jusqu’à ce que Chappell apparaisse enfin. Habillée en fée verte dotée d’un maquillage époustouflant, elle a ensorcelé le public, prêt à vivre un moment suspendu.

Les moments forts du show comprenaient la danse « Hot To Go » (même les VIP s’y sont mis), son refus initial de parler français, avant de céder sous les encouragements de la foule avec notre célèbre chant « popopo », remerciant ensuite le public « merci merci, je t’aime », ainsi que la performance live de son dernier titre « The Subway », attendue avec impatience par tous. Elle a terminé la soirée avec « Pink Pony Club », et j’ai pu voir les larmes de nombreux fans qui s’en allèrent les étoiles pleins les yeux.

Photo Credit : Louis Comar

Les deuxième et troisième jours ont été définitivement plus calmes, même avec l’ouverture des cinq scènes, en partie parce que ces journées tombaient en semaine et à cause des annulations d’A$AP Rocky et Doechii. Mais de mon point de vue, cette atmosphère plus tranquille et les foules réduites rendaient l’expérience encore plus agréable.

Montell Fish a ouvert la scène Revolut — la meilleure façon de commencer la journée. Alliant R&B soulful, voix gospel et production lo-fi, sa musique est à la fois intime et puissante, touchant vos émotions tout en vous faisant sauter sur place. Le public était en extase.

Je me suis ensuite précipité à la Main Stage pour découvrir un nouveau talent que je ne connaissais pas : Enchantée Julia. Initialement programmée plus tôt sur une scène plus petite, elle a été déplacée pour remplacer Doechii — une grosse responsabilité qu’elle a gérée parfaitement. Avec des morceaux mêlant R&B, rap et français/anglais, elle a donné au public toutes les occasions de danser et de vibrer.

Greentea Peng et Alameda ont suivi sur les scènes Bosquet et Horizons — deux voix féminines puissantes parfaitement intégrées à la programmation. Greentea Peng a livré sa soul psychédélique signature, mêlant reggae, hip-hop et jazz dans une performance hypnotique qui a fait bouger le public. De son côté, Alameda a captivé avec sa voix émotive et ses compositions poétiques, offrant un set à la fois vulnérable et résolument puissant.

J’ai pris une petite pause pour explorer d’autres activités et suis tombé par hasard sur la Talk Stage, où Enchantée Julia participait à une discussion avec Angélina Paolini (Wagram Music) et Camille Ferrand (Deezer). Leur conversation portait sur un sujet crucial dans la musique actuelle : la nouvelle génération d’héroïnes pop. Elles ont abordé la place des femmes dans l’industrie, le sexisme persistant et la réalité de souvent être entourées d’hommes cis-blancs, tout en délivrant un message d’espoir : ne jamais abandonner, car les choses avancent et évoluent. Elles ont partagé certaines de leurs artistes pop préférées, de Théa réinventant l’hyper-pop à Rosalía mêlant flamenco et musique urbaine, en passant par Yoa, Karol G et d’autres.

Pour terminer la journée, je me suis arrêté sur la Scène Nouveaux Talents pour voir Noor, qui m’a complètement hypnotisé par sa voix éthérée et son minimalisme puissant. Ensuite est venu le monument de la soirée : Kid Cudi sur la Main Stage, remplaçant A$AP Rocky. Loin de paraître un simple substitut, son set a été une célébration, avec le public reprenant tous ses tubes, les basses faisant vibrer le sol et Cudi rayonnant de gratitude et de joie. C’était la parfaite conclusion d’une journée qui montrait que calme ne voulait pas dire moins intense.

Vendredi, la programmation était centrée sur l’électro, avec des touches de pop et de techno. J’ai commencé avec Good Neighbours et Kids Return, deux groupes qui ont immédiatement donné le ton — Good Neighbours avec leurs hymnes indie-pop lumineux aux accents électroniques, et Kids Return avec leur pop cinématographique et rêveuse qui faisait chanter et se balancer le public.

J’ai eu le temps de retourner à la Talk Stage pour assister à une discussion sur la masculinité avec Emilie Trench (réalisatrice et scénariste) et Guillaume Maurice (humoriste et producteur). Ils ont partagé leur expérience de la représentation de la masculinité durant leur enfance et comment ils souhaitent qu’elle évolue.

Venaient ensuite deux artistes que j’étais impatient de voir et de photographier sur la Main Stage : Empire of the Sun, dont les visuels spectaculaires et la performance électrisante apportent une énergie spirituelle inégalée, mêlant synthés planants et euphorie cosmique, et Aurora, que j’avais déjà vue quelques mois auparavant et qui a une fois de plus dépassé toutes mes attentes. Avec sa voix irréelle et ses chansons puissantes, Aurora transforme complètement un espace, peignant sa vision du monde à travers sa musique et abordant des thèmes profonds comme la politique, la Palestine et l’écologie, tout en y ajoutant humour — à un moment, elle plaisante : « as you may know I have quite the boner for Earth ». Elle est véritablement l’une des plus grandes artistes de sa génération. C’était ma façon de terminer la journée ; je ne suis pas resté pour les deux derniers sets DJ, Anyma et I Hate Models, mais j’ai entendu dire que c’était incroyable.

Le week-end a été beaucoup plus chargé, avec de la foule et de la poussière partout. Je suis arrivé à temps pour Noname sur la Main Stage, qui est devenue l’une de mes découvertes préférées du festival. Sa voix puissante, ses moments a cappella et ses interactions ludiques avec le public étaient captivants. Elle a même appris quelques paroles au public, plaisantant « oh, j’avais oublié que vous n’aviez pas de rythme ici, on recommence », et a scandé un vibrant « Free Palestine », que le public a répété à son tour.

J’ai ensuite vu le groupe Cathy sur la scène Nouveaux Talents, et leur joie de jouer était palpable, même si on sentait un peu leur nervosité. Cela restait authentique et communicatif, le genre de set qui vous fait oublier la taille du festival. Ensuite, je me suis dirigé vers la scène Horizons pour Jacoténe, qui a totalement conquis le public. Sa voix puissante, sa présence magnétique et sa connexion avec son audience montrent pourquoi elle attire autant l’attention. Rock en Seine était l’endroit idéal pour la voir briller à ce moment clé de sa carrière.

J’ai eu un peu de temps pour découvrir les « Têtu Games », organisés par le magazine queer français Têtu. Ces activités, entre blind tests et autres jeux autour d’artistes queer, ont donné une ambiance légère et inclusive au festival que j’ai réellement apprécié.

Ma journée s’est terminée avec deux artistes que je tiens particulièrement à cœur, Luidji, rappeur français sur la scène Revolut, et Jorja Smith sur la Main Stage. Je m’attendais à un show plus calme pour Luidji, car bien que principalement rappeur, sa musique puise dans de nombreuses influences et la plupart de ses titres ont des thèmes mélancoliques. Pourtant, son set était tout sauf calme, avec feu et fumée envahissant la scène et le public sautant partout. Jorja Smith était absolument époustouflante, comme prévu, avec sa voix soul, son contrôle impeccable et sa profondeur émotionnelle. J’ai quitté la soirée le cœur plein d’émotions.

Le dernier jour avait un côté mélancolique, avec la fin s’approchant, mais offrant un repos bien mérité à tous les participants. J’ai commencé avec une interview de Vera Daisies, artiste émergente très chère à mon cœur, où nous avons discuté de son single « Chess Game ». L’interview sera bientôt publiée.

Avec une journée très rock devant moi, j’ai assisté à Last Train sur la Revolut Stage. Le groupe français, qui jouait à Rock en Seine il y a 10 ans, a depuis gagné un public immense à travers le monde. Ils ont aussi parlé d’une cause qui leur tient à cœur : le Club « Avant-Scène », permettant aux lycéens et jeunes artistes de se produire à Rock en Seine, comme ils l’avaient fait il y a une décennie. Malgré l’émotion, ils ont livré un set d’une énergie folle, sautant partout sur scène, et le chanteur principal s’est même jeté dans la foule en plein milieu du show.

J’ai enchaîné avec Wallows, qui ont apporté une énergie folle sur la grande scène, devant des fans qui avaient attendu des heures contre les barrières juste pour les voir et espérer chanter le bridge de “OK”, devenu un moment culte de leurs concerts. Ils ont ouvert avec “Your Apartment”, lançant immédiatement le ton avec une énergie communicative qui s’est répandue dans toute la foule. C’était la première fois que je l’ai voyait en concert et je ne fus pas déçu. Les programmer le dimanche était sans doute le meilleur choix possible.

Il était temps d’assister à Kneecap, dont la présence a déclenché de vives polémiques. Le trio irlandais est connu pour sa position politique sur le Moyen-Orient, soutenant ouvertement la Palestine, ce qui a déplu à l’administration française. Après de multiples demandes de retrait, Rock en Seine a tenu bon — une décision qui leur a coûté cher, la région Île-de-France retirant ses 500 000 € de financement deux jours avant leur concert. Personnellement, je suis fier que le festival défende ses choix et ne cède pas à la pression. Comme prévu, certains spectateurs n’étaient pas contents, et des sifflets ont retenti dès la première chanson. Mais le groupe a rapidement réagi, déclarant qu’il ne serait pas muselé, que ce jour était fait pour s’amuser ensemble. La sécurité a rapidement escorté les perturbateurs. Ensuite, ce fut que de l’énergie — Kneecap a livré un set intense, avec leurs morceaux vibrants et des pogos éclatant partout.

Le dernier groupe que j’ai photographie était TVOD sur la scène Horizons. Leur mélange de post-punk chaotique et d’énergie joyeuse a totalement captivé le public, transformant la scène en un tourbillon de mouvement et de son.

J’ai clos mon expérience à Rock en Seine entouré de mes collègues photographes — une dernière halte aux Têtu Games, un burger vegan bien mérité et même un tour sur le tigre mécanique de Crazy Tiger. Alors que le soleil se couchait, j’ai profité du set rêveur de Fontaines D.C. avant de ranger mon matériel et de dire au revoir à cinq jours de musique immersive. Cette édition n’a pas été sans obstacles — annulations, controverses et pertes de financement — mais le festival a tenu bon. Les moments sur et hors scène m’ont marqué : des musiciens du monde entier partageant leur passion, leur vulnérabilité et leur engagement politique ; des inconnus se rassemblant pour chanter ; des discussions sur le féminisme, la masculinité et le sens de la musique aujourd’hui. Bien que parfois désorganisé, Rock en Seine 2025 a été émouvant, cohérent et inoubliable. Plus que tout, il m’a rappelé pourquoi j’adore la musique live : elle donne le sentiment d’appartenir à quelque chose de plus grand, ne serait-ce que quelques jours.

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